Arc de Triomphe 2009

Ce qu'il y a d'un peu angoissant dans les courses, c'est la répétition année après année, avec les grands évènements à date fixe. Avant de commencer cet article j'ai dû verifier qu'on était bien en 2009 et pas encore en 2010. Du coup j'ai l'impression d'avoir gagné un an. Le temps nous échappe, c'est clair. Dans le sport, il n'y a que les champions qui nous permettent d'avoir des aspérités où s'accrocher. Sans ça on glisse, on dévisse comme des alpinistes mal assurés, et on doit se retaper l'acension à partir d'en bas à chaque fois.


Sur la photo, c'est Gladiateur, que l'on surnomma "le vengeur de Waterloo" car il remporta le Derby d'Epsom en 1865, 50 ans après la défaite de Napoleon. Il gagna ensuite les 2000 Guinées et le Saint Léger, soit la Triple Couronne, à la grande surprise de nos amis anglais, qui ont toujours eu pour nous beaucoup d'admiration. Il s'adjugea ensuite le Prix de Paris à Longchamp, ce qui lui valut cette statue à l'arrière de laquelle je donnais rendez vous à mes séides.

" Don Rodrigue
Sous moi donc cette troupe s'avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !"

 
C'était comme ça que je voyais les choses lorsque j'ai proposé à mes lecteurs une rencontre à l'hippodrome.
Au départ de la deuxième nous étions trois. Mais des bons. Jugez plutôt: "A ma droite, Bobby,1m75, 70 kgs, affûté sur les meilleurs hippodromes de la Thiérache, élevé à la Chimay et au Maroilles. A ma gauche, Nezguich, 1m92 de science hippique. Elevé au rillons et au Vouvray, il a appris à marcher dans les travées de Saint Cloud. "
Après de brèves effusions, nous nous concentrons sur nos objectifs de la journée: reussir à concilier une consommation éthylique importante et des gains aux jeu. Pas facile, mais je vous rappelle que vous êtes sur le Blog du Slipman, le blog où l'on ne doute de rien. Le Graal étant sous nos yeux incarné par le stand Moët et Chandon, avec ses bouteilles à 80 euros.
C'est presque le départ du Prix de l'Abbaye. Nous avons un peu tergiversés et nous regardons la course sur un des écrans au dessus des guichets. Une victoire anglaise, les favoris font deux et trois. Pas de regrets, j'aurais mis à côté.
On part faire le papier de la suivante après avoir investi dans la production française de houblon. Il y a un monde fou, ça parle un peu toutes les langues mais surtout anglais.


Nezguich a massivement appuyé la candidature de Rosanara, dont Soumillon ne tarit pas d'éloge. J'y crois, mais couplé avec Wedding March, une Fabre supplémentée qui vient de faire impression.
Ce sont les deux favorites. Un jeu incassable dont j'ai le secret, voire le copyright, que je partage avec Bobby, éminent spécialiste également.


Rosanara gagne. Facile. Soumillon est ovationné, il jette sa cravache à la foule en délire.
 Sur la photo d'arrivée on pourrait penser que Wedding March, la casaque beige, est deux ou troisième. C'est aussi ce que j'ai espéré un bon moment, en gros jusqu'à l'annonce des rapports. Parceque les organisateurs, accaparés par le cirage de babouche ont un peu oublié les turfistes, et on ne voyait les résultats nulle part. Le gagnant était certes annoncé, mais les suivants on s'en tamponnait visiblement le keffieh. Autant carrément abolir le jeu placé à ce compte là.
J'en profite pour disgresser une fois de plus, mais France Galop et la France du galop par extension, se vendent aux émirs et à leurs pétrodollar avec une volupté qui fait frémir. Que l'on installe des tentes de bédouins dans l'hippodrome, c'est rigolo. Mais rebaptiser les courses en mettant le nom Qatar partout, ou mieux Total (le Total Prix Marcel Boussac), c'est pitoyable. Il ne manque plus qu'une course de chameaux. Méfiez vous, les gars.
Mais revenons à nos chèvres...
Wedding March quatrième, battue tête, et ma bouteille de Moët qui s'éloigne. Un peu. Allez, bière. Merci Bobby.
Nezguich a eu le nez creux, il calcule ses gains avec un petit sourire. Bon, 1,90contre 1 c'est pas le Pérou, mais c'est le plaisir d'avoir eu raison. Et vu la manière, c'était le bon pari.
Heureusement dans la suivante, j'ai un coup vraiment solide, même que Bobby il est d'accord avec moi. Plus de garantie ce serait trop. Je file le jouer et en loucedé je chope trois fois seize dix-huit et enfourne le tout dans ma besace. Nous serons supporters de Lope de Véga dans le Jean-Luc Lagardère. Nezguich choisit l'anglais Dick Turpin, deuxième favori, par esprit de contradiction sans doute.



Retour en face du poteau. Nous assistons médusés à la victoire de Siyouni. Cheval de l'aga Khan. Il a gagné trois groupe hier, et cela fait deux déja aujourd'hui. Siyouni, on ne lui voyait pas une chance et là il gagne facile lui aussi. Lope de Véga finit quatrième et Dick Turpin cinquième.
Grand seigneur, je fais apparaître trois bibines pour le ravissement de mes compères qui s'extasient de ce tour de passe-passe Garcimorien.
Ces déconvenues successives commencent à me coûter un peu. Mais le Slipman est homme de ressource. Il gardait une flèche dans son carquois, tel un Robin des Bois moderne, en la personne de la belle Lady Marian. Je vous ai déja parlé de cette jument. Elle m'avait fait bien plaisir l'année dernière, en gagnant cette même course. Devant le septiscisme de mes amis, je me fends d'un bon vieux "vous n'y connaissez rien aux courses" qui fait son effet lorsqu'il est couronné de succès. On a fait vdes réputation avec moins.
Sixième.
Et encore un Aga Khan qui gagne.
Les gars ne touchent pas non plus, peut être Bobby un peu. C'est le marasme.
Nezguich me dit que c'est Sophie Thalmann derrière nous. La femme de Christophe Soumillon.  Bobby confirme. Je ne les crois pas. Ils insistent. Elle est seule avec la nounou et les deux petits dans la poussette. Je décide de l'accoster, pour avoir une photo pour le blog, pour vous, quoi. Au même moment deux amis la rejoignent. J'attends poliment à côté. Je m'aperçois qu'ils m'ont repéré mais qu'ils font barrage.
Je vous donne la technique, au cas où vous deveniez célèbres et snobs, un jour. Il faut être quatre, en carré, un dos dans chaque direction cardinale, et parler sans ponctuation avec assez de densité pour qu'un "s'il vous plaît" ou un "excusez-moi" ne puisse pas rentrer".
Je décide donc de forcer-un peu- le passage:
-Pardon, seriez pas Sophie Thalmann s'il vous plaît? (sur le ton de l'humble vermisseau)
-non.
-Je peux faire une photo, c'est pour mon blog?
-Vous ne voyez pas que je suis en train de discuter.
Et puis elle me tourne le dos. Echec de la connexion...

Dans la vie, il ne faut jamais oublier d'où on vient. Sans doute ma chère Sophie, avez vous eu peur du plebeien que je suis. Je peux comprendre.  Mais alors ne venez pas dans la fosse si vous ne voulez pas que l'on vous importune. Et d'ailleurs que faisiez-vous là, au milieu du peuple en liesse, en train de comparer les mérites respectifs de la Corrèze et du Vaucluse. Restez donc dans vos salons privés, vous y avez droit. Vous pourrez y deviser à votre aise sans craindre les empêcheurs de se la cramer en quinconce dans mon genre. 
Pour ma part, je serais moins hautain quand vous viendrez faire une photo à mes côté.


J'envoie derechef le lien vers cet article au webmaster de son site, c'est mon seul contact. S'il y a une chose que j'apprécie chez les gens, c'est la courtoisie. Peut être aura-t-on un jour une réponse.

Il faut toujours tirer le meilleur parti d'une situation. Je n'avais jusque là pas encore tranché entre le coeur-Stacelita et la raison-Sea the Stars. Mon palpitant brisé par la belle Sophie, plus rien ne m'empêchait de bombarder l'anglais. Je vous devrais au moins cela, Sophie.
 Là, j'ai un peu perdu les copains, parceque c'était noir de monde, que c'était même la guerre pour jouer ou boire une bière. Il en arrivait de partout qui venaient s'agglutiner au bord de la piste. J'
ai à peine reussi à sortir du tunnel des gradins, pour voir la course de l'Arc sur l'écran géant, parceque la piste on ne la voyait plus. Et il y en avait derrière moi, eux je ne sais pas ce qu'ils ont vu.


Je vous refais pas la course. Sea the Stars les a transpercés. Il a gagné toutes les grandes courses en Europe cette année. L'Arc était le test ultime, et il n'a pas rencontré d'adversaire à sa mesure.

 Je suis retourné attendre au posterieur de Gladiateur, en pensant à la postérité de Sea the stars. Les gens refluaient déja vers la sortie. Il y en a qui viennent juste voir l'Arc, et qui repartent. C'est curieux, pour nous qui venons comme des pèlerins. Nous voyons ainsi passer Rachida Dati entourée d'une floppée de gardes du corps. Cette fois je ne tente pas d'approche, ça passe trop vite et je me ferais rouer de coups. Qu'est-ce qu'elle est maigre. Sophie Thalmann aussi. On mange mal dans le "monde".
Nous, on mange liquide, des céréales surtout. J'ai cessé de compter les tournées, Nezguich et Bobby n'arrêtent pas d'en remettre.
J'essaye de les convaincre de jouer Nashwan al Khalidia dans la course de pur-sang arabes, mais je sens qu'ils se méfient. Il fera pourtant troisième, payé 2.80.
Eux, ils attendaient le Prix du Cadran, avec leur chouchou Incanto dream. Moi, dans cette course je ne vois que Kasbah Bliss. Mais ils sont convaincants et ma volonté vacillante. Je tente le couplé des deux.

Nous rentrons dépités de la piste, les poches pleines, mais de tickets perdants. Incanto pitoyable huitième sur douze. En bande on est dangereux. Pour nous. La journée se termine. L'hippodrome est maintenant redevenu très calme.
Nezguich nous a parlé d'un cheval en début de réunion, que lui a conseillé sa belle soeur. Seulement elle ne joue pas aux courses. Je ne sais plus si c'est un rêve, un voeu ou un souhait. On a bien rigolé quand il nous a sorti ça. Maintenant on rigole moins parcequ'on est rasé et que au niveau prono, on aurait aimé finir sur du plus solide. Il se trouve que c'est Yann Lerner qui le monte, et c'était le jockey d'Incanto dans la précédente. Alors vengeance, j'y vais. Bobby décline, Nezguich met gagnant.


Notre cheval s'appelle Farhan, c'est le 7. Il fait deuxième. Finalement, c'était la belle soeur qui avait raison.
Je remets quelques biftons dans mon larfeuille, sans omettre d'en glisser un à la caissière, tel Jean Gabin dans le Gentleman d'Epsom. Bobby, précis comme la grande Horloge de la gare du Nord, nous indique qu'il doit tracer. On trinque un dernier coup avec le Nènèz', j'avale une tarte au poireau qui s'averera être de la rhubarbe et on taille dans des directions opposées mais symétriques (je maîtrise aussi la géomètrie).
Quelques anglais sapés comme des milords s'engouffrent dans des voitures pourraves.
Les filles ont mal aux cannes.
Longchamp s'assoupit...
Une étoile s'éveille.

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